samedi 18 juin 2016

Les mots, maux de tout



Les mots ressemblent à des pierres,avec eux on peut bâtir des maisons d’illusions.

Des lettres en couleur et des mots en folie peuvent s'allier en un texte explosif et s'écraser sur les esprits innocents.

Ils ont alors la force de construire des images irréelles qui viennent malmener le bon sens et martyriser l'humanité

Ils créent des pensées grises, inquiétantes, sèches et tranchantes qui se liguent spontanément comme un ennemi invisible et encerclent le bon sens.

Avec eux, c'est toujours le début du non sens, la porte ouverte aux contorsions rhétoriques et à l'incendie cérébral.

Ils bâtissent à la truelle des chimères simplistes

Qui crépissent les esprits égarés et demandeurs.

Les mots soldats, obéissants de la démagogie, deviennent décidément des maux, dès lors qu'ils se répandent sur des sociétés en décrépitude .


(C) Philippe GILBERT  -  05 novembre 2015

jeudi 16 juin 2016

La maison et les nouveaux venus



Il fallait un certain temps à la maison pour phagocyter les nouveaux venus, ceux qui venaient de l’autoroute, ou ceux qui arrivaient à pied, épuisés par la poussière de la piste, et de nouveau un certain temps pour les vomir sur la terrasse en string et bermuda plus serviettes, avachis sur les transats éblouissants de bancheur, sans défense face au bleu dur de la piscine prête à les avaler de son chlore.

Laissant derrière elle sa parka et son treillis, l’ex-agente du KGB reconvertie en paparazza se glissa sous un buisson de pyracantha pour espionner la vedette internationale qui cherchait les points noirs au Clooney de service.

Devant la difficulté du sujet, elle devenait très nerveuse, ses gestes saccadés faisaient trembler l’objectif de son appareil photo miniature ultra-secret.

Ah ! Comme elle haïssait ce jardin artificiel, où tout le mobilier puait l’argent facile, cette maison absurde où défilaient tous les parasites du festival à la recherche de fêtes dérisoires.

On pourrait croire que c’était facile de chasser le cliché, mais à mesure que la soirée passait, notre journaliste se désespérait : finalement, elle regrettait l’Afghanistan.


(C) Jeanne VIDEAU  -  Novembre 2015

mercredi 15 juin 2016

La maison où j'ai grandi



De la maison où j’ai grandi, tout est écrit …

Du grand balcon, presque une terrasse, même, je m’adressais à la montagne enneigée qui me faisait face.

Je lui parlais, je lui racontais tout.
Et elle me répondait.

Quel enchantement, ces belles histoires d’alpinistes vainqueurs des cimes !

Quelquefois la montagne leur donnait un coup de main, les protégeant d’un blizzard meurtrier par une opportune paroi.

Quelquefois au contraire, elle s’amusait d’une corniche si solide d’aspect qui se brisait net entre des doigts crispés. Et le conquérant de l’inutile, tel un Icare privé de ses ailes, s’abîmait dans une chute sans fin.

Je sentais bien qu’en comparaison, mes péripéties enfantines faisaient bien pâle figure. Que pourrait lui importer le pauvre destin d’un canari croqué par le chat.

Alors, pour l‘épater, je lui ai relaté comment j’ai étranglé le chat.

Peine perdue. Elle est restée de glace.

Alors, j’ai étranglé mon petit frère et lui ai narré l’affaire sans négliger aucun détail. J’en ai même inventé quelques uns.

En fait, ce sont surtout les policiers qui ont été emballés par mon récit. Ils m’ont interrogé sans relâche. Ils étaient vraiment très intéressés. Ils voulaient tout savoir. Et pourquoi ? Et comment ?

Ils ont tout écrit, ici même, de cette maison où j’ai grandi.


( C) Monique THOMIERES  -  2015

mardi 14 juin 2016

Ma cabane en automne



C’est quand vient l’automne que justement ma cabane ne suffit plus.

Aux premières pluies, ça va encore, la grande nappe imperméable fait office. Mais si elle laisse glisser les gouttes, elle laisse aussi passer le froid.

Ce froid qui vivifie diront ceux qui font leur jogging tôt le matin. Mais je pense au froid qui engourdit.

Je dors de froid et je rêve d’un home sweet home dont j’aurais hérité par erreur.


(C) Solange BAZELY  -  2015

lundi 13 juin 2016

Sempiternel déménagement



Prisonnier du labyrinthe de mes appartements perdus, je me suis laissé prendre dans la souricière de mes pensée contrariées et fantasques.

J'essaye en vain de remonter les escaliers de mes folies répétées.

Mais je suis pris de vertige et demeure enfermé dans ma sphère opaque.

Prisonnier dans le phare de mon isolement, je fais partie de ces hommes accrochés à leurs obsessions.

Je n'ai jamais trouvé mon appartement.

Je suis toujours resté dans l'escalier de mes pensées.

En fait je déménage en permanence. 

j'ai du mal à ouvrir le grand livre de mes errances.


(C) Philippe GILBERT  -  05 novembre 2015